C’est l’un des artisans de la mémorable conquête du trophée du championnat par la Jeunesse Sportive Kairouanaise. Né le 25 septembre 1953 à Sakiet Sidi Youssef, Youssef Seriati, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a paraphé sa première licence en 1965 pour l’équipe cadette du Club Sportif Hajeb Laâyoun, avant de signer en 1970 pour le club aghlabide. C’est ainsi que son premier match seniors, il le disputa en 1971-72 EST-JSK (3-1), alors que sa dernière apparition, il la fit en 1981-82 à l’occasion de l’affiche CSS-JSK (0-1)
Convoqué 4 fois en équipe nationale, il a été également international de la sélection universitaire.
Sa riche carrière d’entraîneur (1981-2011) l’a vu prendre en charge la JSK jeunes et seniors, le CS Hajeb Laâyoun, l’AS Djerba, la Flèche Ksar-Gafsa, l’AS Ariana, Jendouba Sport, le SA Menzel Bourguiba, l’US Monastir, le SC Ben Arous, Kalaâ, Haffouz, Jelma, EM Mahdia, l’EO Sidi Bouzid, Sbeitla, l’US Tataouine, l’ES Jerba, le Centre national de formation de Borj Cedria, la sélection nationale juniors et olympique, et, en Arabie Saoudite, Nadi Al Khalij et Abha.
Ce professeur d’Education physique et sportive, parti à la retraite en 2013, est marié et père de trois enfants.
Youssef Seriati, en 1976-77, vous avez remporté l’unique titre de champion de Tunisie de l’histoire de la JSK. Que représente un tel exploit dans votre carrière sportive ?
Pareil bonheur vous marque à jamais. Dix ans de carrière et titulaire au service de la Jeunesse Sportive Kairouanaise, toutes les misères du monde ne peuvent les estomper. L’année même du titre, je m’entraînais à Tunis où je poursuivais mes études à l’Institut supérieur des Sports de Ksar Saïd. Dragan a fait une exception en alignant régulièrement un joueur qui s’entraîne juste les vendredi et samedi avec l’équipe, c’est-à-dire moi-même. En 1979, constatant mon hygiène de vie irréprochable, Dietsha dut me faire jouer malgré ses réticences de départ. En effet, j’entraînais à la Flèche de Ksar-Gafsa et ne rentrais à Kairouan que le vendredi. La JSK était sous la menace de la relégation. Notre président Aziz Miled m’avait demandé de donner un coup de main à l’équipe.
Quel est le secret de votre sacre de 1977 ?
La continuité. Durant quatre ou cinq ans, c’était le même onze auquel venaient occasionnellement prêter concours les Belhaj, Boucharbia, et Rimani plus tard…Et puis, nous pouvions compter sur un président qui imposait le respect, feu Hamda Laâouani. Un éducateur d’une autre dimension par rapport à ce que l’on voit aujourd’hui. Il a préparé sa succession en lançant dans le grand bain Aziz Miled.
Ce trophée doit constituer votre meilleur souvenir, non ?
Sans conteste. Mais il faut dire que mes convocations en sélection, aussi rares que précieuses, m’ont rempli de joie. Il était difficile d’aller loin en sélection alors que vous poursuivez en même temps vos études. Et puis, il y avait une féroce concurrence avec les Dhouib, Ellouze, Kaâbi, Malki, Ayèche…
Parce que vous étiez latéral ?
Oui, latéral droit ou gauche. Du genre athlétique et très offensif. En notre temps, il n’était pas évident de voir un défenseur de couloir participer au travail offensif. Ali Sboui à gauche et moi à droite, nous faisions la différence. J’aimais partir de l’avant et même inscrire des buts. Presque à chaque match face à l’AS Marsa, je marque un but. Ce club pratique la défense en ligne. Doté d’une grande vision, Laâbidi savait où me trouver pour piéger la «ligne» adverse.
Avez-vous toujours été latéral ?
Non, au départ, j’ai commencé attaquant au Club Sportif de Hajeb Laâyoun. J’ai été meilleur buteur de la Ligue Centre avec 33 buts. Arrivé à la JSK, j’ai disputé six matches avec les juniors en tant qu’avant-centre. Il faut dire que j’ai été le premier recrutement de la Chabiba qui ne comptait jusque-là que sur les enfants du club, formés au club. C’était un sacrilège de recruter des joueurs, y compris du gouvernorat de Kairouan. Mes qualités techniques étaient inférieures à Ouada, Laâbidi, Jabbès que j’ai trouvés en débarquant. Mes qualités sont prioritairement athlétiques. J’étais resté sur le banc des seniors, jusqu’à ce que le Yougoslave Slava Stefanovic décide de m’aligner latéral droit. C’était en 1971-72 contre l’Espérance ST.J’avais un sérieux client, Temime. J’ai réussi à le museler. Depuis, je n’ai plus quitté mon poste en défense.
Comment éties-vous arrivé à la JSK ?
Mon père Mohamed était depuis 1964 président -fondateur du Club Sportif Hajeb Laâyoun. Mon frère aîné Mohamed y jouait. Ma mère Beya était garde-matériel, elle lavait les tenues et entretenait les crampons. Avec Hassen et Lotfi, j’ai joué à Hajeb. Mon autre frère Ali a joué gardien à la Patriote de Sousse quand il étudiait là-bas. Une vraie famille sportive. Poursuivant mes études à Kairouan, je jouais au foot pour El Hajeb les dimanches, et le hand avec la JSK le reste de la semaine. Le vice-président Abdelwahab Belhassine me fit venir à la Chabiba.
Quelle était votre idole ?
L’attaquant clubiste Mohamed Salah Jedidi.
Les meilleurs footballeurs tunisiens ?
Akid, Agrebi, Laâbidi, Tarek, Rtima, Ouada, Chakroun, Chammam….
Le meilleur match que vous ayez disputé ?
Devant l’ASM, et la large victoire (4-1) à Sousse face à l’Etoile l’année du titre de champion. Il n’empêche que j’ai été toujours régulier. La preuve ? Ma titularisation alors que j’étudiais quatre saisons à Tunis et que j’étais obligé de m’entraîner loin de mon équipe.
Entraîneur, vous avez été un véritable globe-trotter avant d’arrêter subitement votre parcours en 2011. Pourquoi ?
On m’a ôté l’amour du football, on m’a dégoûté de ce formidable jeu pour lequel j’ai sacrifié toute ma vie. Je ne comprends rien ni à la politique ni aux arts. Tout ce que je respire, c’est grâce au sport. J’ai fait le tour de la Tunisie en exerçant mon métier d’entraîneur. Il n’ y a pas eu une seule saison où je n’étais pas entraîneur. La seule région où je n’ai pas travaillé est celle de Nabeul. Durant un quart de siècle, j’ai vécu loin de ma famille. Mon épouse a beaucoup sacrifié en se substituant au père, toujours absent quelque part dans une ville du pays à entraîner. Mais le foot s’en va, il ne reste que le souvenir de nos actes et de notre comportement vis-à-vis des autres. Je me suis donné à fond, on a reconnu ma compétence de technicien. Le membre fédéral Mahmoud Hammami m’a recruté en 2002 pour les besoins de la sélection juniors alors que je conduisais le Stade Gabésien. Je n’y étais resté, à vrai dire, qu’un mois avant d’être promu à la tête de la sélection olympique lorsque Khemaies Laâbidi avait rejoint la sélection «A». En qualité d’observateur, j’ai effectué avec le staff des Aigles de Carthage le voyage au Japon pour la Coupe du monde 2002. J’avais certains joueurs de la sélection olympique qui furent convoqués au sein de l’effectif participant au Mondial et que je devais suivre de près.
Vous avez également entraîné en Arabie Saoudite…
Oui, l’opportunité s’était présentée au retour de Khemaies Laâbidi à la sélection olympique. Roger Lemerre, le sélectionneur national de l’époque, m’encouragea à aller en Arabie Saoudite lorsqu’une offre m’a été faite par le club Al Khalij. «Qu’allez-vous rester faire ici ?», m’a-t-il lancé. Il est vrai qu’en un an, je pouvais gagner là-bas ce que je touche généralement en dix ans. Après Al Khalij, j’ai pris Abha que j’ai fait accéder en D1 pour la première fois de son histoire. Je l’ai pris en main alors qu’il était dixième après 9 journées. Il a terminé premier de D2 suite à une série d’un nul et 13 victoires consécutives. Le même genre d’exploit que j’ai accompli avec l’AS Djerba que j’ai fait accéder en L1. Une fois parmi l’élite, j’ai conduit Abha dans sept rencontres. Grassement récompensé par le Prince Khaled, je m’étais senti repu, j’avais envie de rentrer au pays. Mais cela n’a pas été facile puisque tant que vous travaillez dans ce pays, votre passeport, c’est votre employeur qui le confisque. En fait, cela a été une fuite, je m’étais caché toute une nuit. Heureusement qu’au départ, j’étais quitte financièrement avec mon club. J’étais en possession d’une fiche l’attestant. Par la suite, on m’a mis sur la liste rouge, les journaux ont écrit: «Qui a aidé Seriati dans sa fuite ?».
Pourquoi avez-vous arrêté d’entraîner depuis 2011 ?
C’est un peu la bêtise, l’amalgame plutôt honteux. Au déclenchement de la Révolution, j’étais à la tête du Centre de formation de l’élite à Borj Cedria. Malheureusement, j’ai payé le fait que je porte le nom de Seriati et que je sois le frère du Général Ali Seriati. Je ne suis pas un politicien, je n’appartiens à aucun parti, je suis un simple patriote qui a introduit une nouvelle tradition: le salut par tout le monde des couleurs nationales chaque jour au Centre de Borj Cedria: joueurs, staff technique, médical… C’était devenu une obligation. Mes jeunes joueurs, je veillais à leur scolarité, je contrôlais, que ce soit le soir ou de bonne heure le matin, leurs cours pour savoir s’il les avaient révisés ou pas.
Qu’était-il arrivé alors ?
Après tout ce sacrifice, on me remercie comme cela, gratuitement tout simplement parce que je suis le frère d’Ali Seriati. Un mois après la Révolution, on m’a évincé avec le préparateur physique Amor Ben Ounis, un docteur de l’Institut national des Sports où il dirige le département de la préparation physique. En revanche, tout le reste du staff était resté: les Bechir Hajri, Ali Ben Neji, Mohamed Sfaxi, Amor Hamouda ..étaient restés dans ce staff. On ne m’a pas renouvelé le contrat. Le président actuel de la FTF, Wadii El Jari, qui était en ce temps-là responsable des sélections, a été derrière ce limogeage. Pour des raisons qu’il connaît parfaitement et qui n’ont rien à voir avec la compétence technique…
Lesquelles ?
Il voulait imposer quelqu’un dans mon staff. J’ai refusé. Alors, il m’en a tenu rigueur. C’est la plus grande injustice que j’ai subie dans ma vie, l’année même où j’ai travaillé comme un forcené. L’équipe d’Abdelhay Ben Soltane, qui avait participé en coupe du monde U17 aux Emirats, j’ai participé dans une large mesure à mettre en place ses bases. 13 joueurs sur les 17 alignés au Mondial sont issus de la promotion 2009-2010 que mon staff a conduite. On a supervisé 1080 joueurs, on était arrivé à une liste élargie d’une cinquantaine de joueurs. On en a retenu une trentaine au Centre. Il faut reconnaître que Ben Soltane a également abattu un travail monstre. Le membre fédéral Mohamed Atallah a eu beau me défendre. Kamel Boughezala, aussi, qui était dans la direction technique. «C’est l’un des techniciens les plus compétents au niveau de la formation», a-t-il martelé pour ma défense. En vain. La chose que j’ai aimée le plus dans ma vie, c’est-à-dire le football, Al Jary me l’a faite détester, vomir.
Que représente pour vous Hajeb Laâyoun ?
Mes origines, mes racines, même si je suis né à Sakiet Sidi Youssef. Mon père y était agent de l’Office des céréales, et n’avait quitté cette ville que l’année de l’agression française qui a fait beaucoup de morts un jour de souk hebdomadaire quand elle bombarda la ville-martyr, le 8 février 1958. Notre club a sorti de grands joueurs: Samir, Rached et Ridha Chraiet, Abdelwahab Handous… De leur côté, Sahbi Sebaï, le gardien hammam-lifois, et Hichem Ncibi, l’attaquant stadiste, sont originaires de Hajeb…
Avez-vous encouragé vos enfants à suivre une carrière sportive ?
Oui, la preuve, ma fille Dorsaf est enseignante d’éducation physique et sportive, elle est la première femme tunisienne à avoir décroché un diplôme d’entraîneur FB premier degré. Quant à Nourzed, qui est kiné, elle a été athlète et gardien de but de handball au club Al Houssari. Mohamed, ingénieur, a fait de l’athlétisme à la JSK. En fait, mes trois enfants aiment le sport. Ma femme Chedia, que j’ai épousée en 1979, a beaucoup sacrifié, consciente qu’une vie de sportif, joueur ou entraîneur, exige qu’il soit très souvent séparé des siens.
Comment passez-vous votre temps libre ?
Des parties de sixte, du footing, le petit domaine agricole où je me rends l’après-midi, l’Internet pour me recycler, surtout dans les dernières techniques d’entraînement. Non, le football tunisien, je ne le regarde plus. Pourtant, je garde une passion intacte pour tout ce qui est beau dans le foot mondial.
Enfin, comment trouvez-vous la situation actuelle de la JSK ?
Les temps ont drôlement changé, et il faut savoir s’adapter. Il est arrivé à la Chabiba de ne compter parmi son onze majeur qu’un seul joueur formé au club. Malheureusement, la fermeture du Centre de formation, à la destinée duquel veillait Salah Essid, n’arrange pas les choses d’autant que le club a besoin des recettes provenant de la vente des joueurs. Il sait pourtant parfaitement qu’il ne peut pas résister à la supériorité financière écrasante des grosses cylindrées. Le régime professionnel s’est avéré impitoyable pour ses ambitions.